Un long filet d'air fit siffler mes lèvres, alors que je relevais les épaules, accélérant un peu, histoire de rentrer chez moi plus tôt. La journée avait été longue, bon sang, j'avais encore dû refuser l'invitation du directeur à venir à l'after du shooting d'aujourd'hui. Je n'avais rien contre lui, mais à ce moment, je ne rêvais que d'une seule chose : hiberner. Jusqu'en... 2025 minimum (avec un peu de chance, d'ici là, on pourrait enfin se tirer de cette île).

J'étais fatigué, j'avais faim, je me sentais sale, et rien que l'idée d'une nouvelle dispute avec Yo Han me fatiguait l'esprit. Non mais sérieusement, comment est-ce qu'un mec pouvait être si pudique ? Quand il entrait dans la salle de bain, l'accès m'en était banni, complètement. Il me prenait pour qui ? Un voyeur ? Je n'en avais rien à carrer de ce qu'il pouvait bien faire sous la douche moi. Ce n'était pas comme si je n'attendais qu'un signe de sa part pour lui sauter dessus ! Moi non plus, ça ne me plaisait pas de devoir dormir dans une chambre aussi petite avec un parfait inconnu.

D'ailleurs, un second parfait inconnu me suivait depuis une bonne demie-heure et cela commençait à me courir. A cause de cela, j'étais obligée de faire des tours du pâté de maison, en espérant qu'il finirait par se fatiguer. Enfin, le qualifier d'inconnu c'était peut-être exagéré, vu le nombre de fois qu'il avait déjà fait ça. C'était comme si on se connaissait maintenant.

Notez le bien : quand je suis fatigué, j'ai tendance à devenir cynique.

Je jetais encore un regard par dessus mon épaule, avant de tourner au coin d'une rue dont je ne connaissais même pas le nom, vu le temps que j'avais passé à piétiner. « Bon, allez.  » murmurais-je en me tournant vers lui, finalement, croisant les bras contre mon torse et fixant mon regard dans le sien. Patiemment, j'attendis qu'il s'exprime, avant de décider de la façon dont j'allais gérer la situation

« Oh... Bonsoir....! » En entendant cela, et en voyant son air se décomposer, mes traits s'adoucirent légèrement. Cela avait beau être embarrassant, il ne me voulait pas de mal après tout. Alors autant le traiter avec un minimum d'égard, il comprendrait sûrement que comme toute personne, j'avais droit à mon intimité. Et tant qu'il ne me demandait pas un autographe dans un endroit douteux, je pouvais bien lui accorder deux minutes trente.

Et je parle en connaissance de cause hein, les filles sont parfois vraiment étranges.

« Bonsoir, est-ce que je peux te demander pourquoi tu me suis comme ça ? Ma journée a été longue, j'aimerais vraiment bien rentrer chez moi...  » On reste poli et souriant au possible In Young, ainsi le problème serait vite expédié.

« Je peux faire quelque chose pour toi, peut-être ? Je n'ai pas beaucoup de temps, car... on m'attends, dis-je en montrant du doigt une ombre à la fenêtre d'une maison qui n'était pas la mienne (lui, il n'était pas obligé de le savoir. Mais dis-moi, et je verrais ce que je peux faire ?  » demandais-je en m'éloignant doucement du portail de ma soit-disant maison, histoire que ce jeune homme ne se fasse pas d'idées sur mon « entourage ».

Je ne suis pas quelqu'un de méchant, voilà ce que je me répète comme un refrain, alors que je m'apprête à rentrer chez moi.
D'accord, ce n'était pas vraiment là où j'habitais, mais ça : il n'était pas obligé de le savoir.
… Pardon ? Oui bon, je me comportais aussi de cette manière car j'avais envie de couper court à cette petite entrevue, mais tant que je restais poli, il ne s'offenserait pas, n'est-ce pas ? Puis, quitte à être honnête, je n'avais pas la moindre envie d'exaucer l'un de ses souhaits, mais j'allais devoir passer par cette étape si je voulais qu'il me lâche la grappe assez longtemps pour que je puisse rentrer au dortoir miteux qui était, mon vrai «chez moi».

Cela dit, il me coupa l'herbe sous le pied, en me prenant dans ses bras. Dans ses petits bras. Si Yo Han voyait ça, il allait encore avoir des doutes sur ma sexualité et je devrais -à nouveau- lui expliquer que si je basculais du côté obscur de la force un jour, il serait le premier à le savoir. Même si je doutais que ça l'intéresse vraiment, si jamais cela venait à arriver... il deviendrait encore plus paranoïaque, c'était clair comme de l'eau de roche. Ce garçon avait vraiment des principes moyenâgeux, ça relevait presque du pathologique selon moi, mais passons.
De la confusion, de la lassitude, et un peu d'embarras. Voilà ce qui se passait dans ma tête à ce moment-là. Mes mains dans le vide, étaient crispées, et patiemment, j'attendais qu'il daigne me lâcher. « Mhh je veux juste un câlin ! » Hm oui bon, le message était bien passé oui. Je me pinçais les lèvres, sentant qu'il resserrait son étreinte autour de moi : pas que ça me fasse mal, mais.. il comptait me câliner encore longtemps ?

« Tu es...satisfait comme ça ?  » Sincèrement, je n'avais pas la moindre idée de ce que j'étais censé dire dans une situation pareille. Instinctivement, je lui aurai plutôt demandé s'il en avait encore pour longtemps, mais je m'étais ravisé, me disant que peut-être ce serait mal venu.

Je lui tapotais le dos doucement, comme un grand frère le ferait pour son benjamin -ne trouvant pas le temps moins long pour autant-.
Quand il leva la tête vers moi, j'attrapai son regard et attendis qu'il exprime ses pensées : maintenant que je lui avais dis que j'étais attendu, il allait rentrer chez lui, n'est-ce pas ? Il n'était pas méchant, je voyais bien qu'il n'avait pas de mauvaises intentions. Mais si je rentrais trop tard aux dortoirs, j'allais encore avoir droit à une douche froide.

Sens figuré, et propre, si si.

« Sunbae-nim habite ici ? Vraiment ? Ça tombe bien, j'habite juste à côté. » . . . C'était moi où l'air était soudainement devenu irrespirable ? Il n'allait pas venir me trouver tous les petits matins hein ?
Attendez une petite minute.
Il pouvait bien habiter juste à côté, je n'en avais rien à cirer vu que moi je n'habitais pas là. Quel idiot je faisais, à me perdre dans mon propre mensonge. Un sourire forcé tira mes traits, et je répondais sur un ton faussement enjoué :

« à côté tu dis ? C'est amusant, je ne t'ai jamais vu dans le voisinage. Mais oui, ça tombe... bien.  » Quelle horreur, moi qui détestais le mensonge, me mettais à faire ce que j'abhorrais le plus, et ce, comme un vrai petit chef.

C'était forcément à cause de la soirée poker de la semaine dernière.
Le bluff n'avait plus aucun secret pour moi.

Reprenant mes esprits, je secouais la tête, entendant le portail de «chez moi » s'ouvrir. Une jeune femme s'arrêta face à nous, alors qu'il me lâchait enfin. « Voilà donc, Sunbae-nim peut rentrer chez lui ! » Elle nous dévisagea un long moment, et honnêtement, ma réaction fut loin d'être rapide. A croire que c'était lui l'alien, et pas moi.

« Oui, je vais rentrer à la maison tout de suite, maintenant... Il était temps que je les présente hein ? Mais comment présenter deux personnes dont je ne connaissais pas les noms ? La blague sérieusement, dans quelle situation m'étais-je fourré encore ? Alors, ici c'est ma petite sœur Na...Yun. Elle fronçait les sourcils, et je l'implorais du regard : ce fut à ce moment-là qu'elle rougit, et que je compris que je me l'étais mise dans la poche. Espérant qu'il n'y avait personne dans la maison, ou que sa mère était aussi une midinette. Na Yun, je te présente.........mon ami.  » Grave erreur. Fatale. Idiote. J'allais le regretter, dans pas moins de... 2 minutes 30.

Je vous donne un indice sur le comment j'allais regretter : invitation de Na Yun à entrer. « Oppa est fatigué, Na Yun'ie. Une autre fois, d'accord ?  » Elle n'en fit rien, et tira le jeune homme à l'intérieur, j'allais à leur suite, prenant le temps de bien me frapper l'arrière de la tête, soupirant profondément. Quand nous entrâmes, elle hurla à ses parents que « oppa » était rentré, et la réaction fut rapide : « Oppa ?!  »

Quelqu'un...tuez moi.

Note à moi-même: arrêter de m'entêter à mettre les formes quand quelque chose m'ennuie, ça ne mène à rien de bon.
Il suffisait de voir dans quel pétrin je venais de me fourrer. S'ils n'avaient pas encore appelé la police, c'était sûrement parce que j'avais tapé dans l’œil de Na Yun (appelons là ainsi, si vous le voulez bien) et qu'elle avait supplié, (probablement) son père de ranger le fusil accroché sur le mur du living room -comme un trophée de guerre  plutôt glauque-. D'ailleurs, niveau décoration d'intérieur, ils avaient des goûts assez douteux pour être honnête car après le fusil, je me trouvais face à autre  chose.
Na Yun me paraissait un peu âgée pour avoir des posters de... Sai-sai...

« Sailor Moon ?  » finis-je par dire à haute voix en pointant du doigt une grande blonde en jupette bleue.

Je fronçais les sourcils : ça avait des airs de shôjo non ? Comment est-ce que j'avais pu passer à côté si c'était le cas ? Le cri fut comme une piqûre de rappel, une sorte de «reprends toi In Young, tu es en train de rougir à la simple idée d'une histoire romantique, reste viril». Et pour revenir sur le chemin sinueux de la virilité, je commençais par me tapoter les joues, histoire de faire partir cette teinte rosée.
Une fois de retour au rez-de-chaussée, le bonsoir de ma mère me fit tousser de surprise. Ils allaient vraiment se prêter au jeu ? Faire semblant que nous sommes une gentille petite famille alors que je ne sais même pas comment ils s'appellent ? J'ouvris la bouche pour ensuite la refermer quand la maîtresse de maison nous proposa de rester dîner. Subjugué, je plantais mon regard dans celui de Na Yun. L'étendue de mon influence (qu'elle soit physique ou mentale) parvenait à me surprendre, encore même aujourd'hui.
Nerveux, je passais une main sur ma nuque, et la tapotais du bout des doigts. « Oui, ce serait génial....! Enfin, si ça ne te gêne pas, hyung..  » Hyung ? Ah oui, vraiment ? Je ne pouvais même pas râler ou quoi que ce soit. D'une, parce que j'avais la flemme, et de deux : je l'avais présenté comme étant mon ami, alors si je le jetai dehors d'un seul coup... Quoique non, la situation était tellement abracadabrante qu'un peu plus ou un peu moins...

Je ne tentais même pas de cacher ma lassitude, et la laissais filer dans un long soupir : « Non, bien sûr que ça me dérange pas...  » Si In Young, si. Bien sûr que si que ça te dérange.

Ce garçon n'avait rien de désagréable, c'est certain. Mais son opportunisme ne m'aidait en rien à me sortir de cette galère. « Mais tu te souviens ? On avait prévu de manger dehors cette fois-ci ? On devrait peut-être y aller, je me changerai en revenant, j'ai pas envie qu'il n'y ait plus rien à manger !  » Je terminais en le regardant avec insistance. J'étais prêt à parier qu'il allait sauter sur l'occasion pour me faire vider mon porte monnaie, mais soit, si cela pouvait m'éviter une petite scénette de famille embarrassante.

« Je peux venir, oppa ? » Je fis volte face en entendant cela : « Où? à ton avis... Ah euh... Oui, bien sûr.  » Ses parents me regardèrent alarmés, mais la jeune fille s'empressa de nous tirer par le bras, mon « ami » et moi. J'avais à peine le temps d'attraper ma veste en passant, que nous nous retrouvions dehors. « Bon, on est partis.......? » Deux options s'offraient à lui, soit il me donnait son prénom et on allait -vraiment- manger. Soit il se comportait comme une personne normale, et décidait de lâcher l'affaire tout de suite.

...Pourquoi est-ce que je sais déjà comment ça va se finir ?